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Paris, France
« L’art est le plus court chemin d’un homme à un autre » (Roger Garaudy, Maurice Béjart, Danser sa vie) Semaine du 22 au 28 juin 2008, Paris

mardi 25 mars 2008

A propos des intervenants: Patricia Vallet

Proposition de communication : Danser sa vie ou l'art de rien...

L'atelier que je propose vise à ouvrir de nouveaux espaces d'écoute, d'observation, d'exploration et de créativité. L'espace du corps est un espace de l'imaginaire, et nous chercherons à explorer des espaces plus spacieux, l'espace du mouvement qui s'élargit, l'espace de l'expression et de la liberté, l'espace du plaisir et de la rencontre; ma finalité consiste à esthétiser la vie et le quotidien en montrant comment tout devient danse pour qui sait y voir...

Cet atelier vient donc questionner les rapports entre art et éducation. A quel endroit? À quelle enseigne?

Vais-je proposer un atelier sur la danse ou un atelier sur l'éducation?

Je voudrais questionner les rapports entre la pratique que nous allons expérimenter et les questions éducatives que cela pose, et à partir de cette expérience approfondir quelques questions de fond :

La Danse c'est quoi? Çà commence où?

Çà sert à quoi pour l'éducation?

La danse commence avec le mouvement; avec la prise de conscience que le geste peut devenir mouvement par cette conscience même, par un certain travail sur ce geste pour qu'il se cherche et devienne mouvement; « Moins de geste pour plus de mouvement » dit Ingeborg Liptay, danseuse et chorégraphe allemande avec qui je danse depuis 10 ans.

Je précise tout de suite que je vais travailler les enjeux de la danse contemporaine et non de la danse classique qui est basée sur un certain académisme des formes, un certain langage très codé et une certaine conception classique de « la beauté »du mouvement ; il me semble que l'art contemporain a cela de spécifique qu'il réouvre des questions sur l'art : où çà commence, qu'est ce qui le spécifie?

Dans « Poétique de la danse contemporaine » (éditions contredanse, 1997) Laurence Louppe

explique comment l'apparition de la danse contemporaine est née d'un mouvement de rupture et d'inversion de perspective avec les techniques « dures « : toujours plus haut, toujours plus fort, et comment elle vient évacuer la pure apparence spectaculaire pour ouvrir des questions fondamentales sur la conscience du sujet dans le monde : la danse devient une quête existentielle, « un vouloir sans fond » comme dit Nietzsche.

Pour moi la danse est une recherche, c'est une dynamique qui va vers l'être non pour le fabriquer mais pour chercher l'état de mouvement au plus près du corps intime, c'est une certaine forme de présence et une acuité sensible extrême qui est recherchée.

La danse contemporaine adhère à certaines valeurs essentielles : l'exploration d'un mouvement singulier, unique, jamais crée, elle cherche le spontané, le vital, l'être et non le faire, le cheminement personnel et l'impulsion vitale, et surtout l'exploration de l'envers du monde, la conception d'un « arrière-monde » (Nietzsche), de l'envers des codes explorés jusqu'ici : la pureté des formes et le privilège de l'image (plus de posture « correcte » ou d'image « correcte » avec le travail en face du miroir) est effacé pour laisser la place à la recherche personnelle d'une danse qui passe par les sensations ; le centre du corps est valorisé comme foyer, comme moteur au plus vif du vivant, le contact avec son dos et ses pieds est important, le parti pris du silence, la conscience du souffle et de la respiration, le rythme, le spacieux, le sens du poids, de la lourdeur, du sol (et non plus de l'envol vers les ciels étoilés grâce aux pointes dans la danse classique. « La gravité du monde te voit voyager, c'est un bonheur » dit Ingeborg)) sont explorés sans cesse...

Le corps se réinvente, il est à découvrir, à inventer, « le schéma corporel échappe à la puissance meurtrière et directe des repères scopiques » (L.Louppe »p.64), tout le corps est engagé dans un renversement de valeurs, un abandon de la prise de pouvoir sur soi, ou il s'agit moins de contrôler que d'être attentif à ce qui vient, devient, se produit, se rencontre dans une expérience dansante. Il s'agit « d'ouvrir les vannes » pour explorer de nouveaux états de corps, revisiter son anatomie, changer de point de vue, ouvrir le champ des possibles.

Des valeurs de souplesse dans les échanges, d'écoute, d'observation sont réouvertes; on utilise le Kaïros quand il passe, il vaut mieux ne rien attendre pour qu'il se passe quelque chose, on lâche sa tête habituelle pour ressentir profondément les émotions qui nous traversent, on s'ouvre vers du neuf, vers des identités plurielles, diversifiées, plus calmes, apaisées, ce qui est valorisé c'est le dialogue avec soi même et avec les autres, la disponibilité à la découverte et l'acuité sensible. On sort de l'art performance pour aller vers un questionnement sur la présence .

« La danse, c'est un état d'être. » dit Ingeborg. Une certaine conscience de soi qui laisse venir, laisse apparaître un certain état de turbulences intérieures pour explorer du nouveau en soi.

Il s'agit de laisser tomber certaines tensions, et surtout certaines habitudes « tu t'enroules dans des habitudes comme dans une toile d'araignée » dit Ingeborg.

Il s'agit de défaire, démettre tout ce qui a été appris, pour s'ouvrir à du nouveau. En même temps les empreintes, les traces des histoires personnelles vont donner du corps au mouvement, vont permettre de mieux l'habiter (dans le sens de Heidegger)

Ce qui est recherché, c'est la richesse foisonnante des expériences sensibles, et cet enrichissement de l'expérience me paraît être de l'ordre d'une éducation si l'on considère que l'on explore ici tous les potentiels d'une personne et qu'on recherche avec elle des voies nouvelles d'existence. Ce travail passe par la mise en exergue de tout ce qui paraît banal ou n'arrive même pas à la conscience d'habitude, l'infime, le latent, l'imperceptible sont mis en valeur. Tout ce qui du corps n'est pas de l'ordre de l'évidence ou de l'habitude est exploré.

Je vais donc commencer l'atelier par un travail sur l'observation, pour apprendre à aiguiser ses sens et ouvrir son champ de perceptions. « Observer c'est commencer à danser » dit un chorégraphe que j'aime beaucoup Teshigawara.

Je proposerai un geste, et j'essaierai d'en faire un mouvement; je demanderai aux participants si ils voient la différence entre les 2! (« Travailles ton Drive, ce bras il a une formidable destination » « çà n'a pas d'importance ce que tu fais, mais comment tu le fais » « il ne faut pas que tu restes sur un mécanisme, mets ton âme là dedans » » tu ne fais pas, tu expériences quelque chose » »il faut aller jusqu'à la pleintitude » dit Ingeborg)

Puis nous allons tenter d'élargir nos mouvements grâce à certaines techniques (Feldenkrais en particulier) pour explorer les pouvoirs du corps et nous étonner de ses déploiements et de ses changements potentiels.

Puis je vais envoyer les participants flâner, glaner et cueillir des gestes quotidiens en allant observer des personnes qui circulent dans les locaux de l'EFPP, et ils ramèneront ces gestes qu'ils auront notés pour essayer d'en faire des mouvements dans une petite chorégraphie personnelle. Il s'agira alors d'explorer sans chercher vraiment, de laisser venir, laissre advenir, émerger ce qui vient d'émouvant, d'ouvert, de polysémique, dans les interstices, dans ces fragments relevés dans le monde. Nous verrons comment « le moindre geste » peut devenir mouvement, comment notre regard façonne aussi la qualité de ce que nous percevons comme « beau » ou plutôt émouvant, et il me semble que le travail éducatif nous donne tous les jours l'occasion de mettre en valeur de la même manière ce qui chez des personnes en difficulté peut apparaître comme un « défaut » pour en faire une qualité personnelle, une beauté singulière, une qualité d'être!

Parfois c'est la contrainte qui va permettre cette exploration de voies nouvelles; des consignes incongrues peuvent ouvrir des recherches étonnantes (ex/ explores ce que tu peux découvrir avec ton coude, ou bien collez vos avants bras et voyez comment vous pouvez danser ensemble...)

Cet atelier est conçu comme un chantier, un workshop où nous allons trouvailler, où le processus sera plus important que le résultat, c'est le work in progress qui nous intéresse...

Nous essayerons enfin de goûter ce qui peut être partagé avec d'autres dans l'élan de ce qui vient dans la rencontre, des états de corps, des moments corporels peuvent surgir par ce recours aux processus aléatoires, le corps comme partition non programmée surgit dans un autre état inattendu grâce au relâchement progressif du contrôle, il se laisse emmener grâce à la rencontre et se révèle plein de souffles, d'élans inédits.

Je proposerai aux participants un dessin d'Adam Nidzgorski qui représente un envol d'oiseaux vers la gauche et qui me rappelle encore une belle formule d'Ingeborg « soyez comme des oiseaux dans un même courant d'air »

J'aime cette idée que la danse nous emmène vers l'éducation, à contre courant d'air!

Vallet Patricia, formatrice en travail social, IRTS Montpellier et chargée de cours en Sciences de l'éducation Université Paul-Valéry Montpellier 3; chercheuse au CERFEE, équipe d'accueil 3749 LIRDEF.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonsoir,
Ce que vous dites au sujet de la danse, je le ressens exactement pareil en yoga.
Cette lecture a été un très beau moment pour moi.

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